Magazine N°2, interview croisée de Priscilla Jokhoo, David Lestringant et Clémence Cahu

Dans les coulisses de la création du magazine Émergence

 

À l’approche de la sortie du deuxième numéro d’Émergence, le comité éditorial nous ouvre les coulisses de son travail collectif, entre réflexion stratégique, exigence éditoriale et audace créative.

 

Par Marie-Caroline Selmer

 

Un an après le lancement du magazine Émergence, vous dévoilez aujourd’hui un deuxième numéro. Comment s’est construit le processus créatif de ce nouvel opus ?

Priscilla Jokhoo (Directrice de la publication et directrice du programme) : La dynamique s’est orchestrée en deux temps. Nous avons d’abord mené une réflexion collégiale au sein d’un comité éditorial élargi incluant Hervé Buffet et Bertrand Pillot (Francéclat), Renaud Pillon (Manufactures Nationales), Clara de Pirey (Nelly Rodi), Clémence Cahu, David Lestringant et moi-même. Leurs expertises, nourrissent d’une connaissance fine du programme Émergence, nous a permis de prendre du recul sur le numéro inaugural et de challenger ce qu’il fallait conserver, ajouter ou transformer.

L’un des enjeux majeurs consistait à trouver des points communs entre quatre univers différents à savoir la bijouterie joaillerie, la bijouterie de mode, l’horlogerie et les arts de la table. Avec Clémence, nous avons beaucoup travaillé sur les moodboards pour imaginer des séries visuelles fortes, tandis que David a apporté une vision éditoriale nouvelle et exigeante. Le numéro 2 s’inscrit donc dans une vraie dynamique d’évolution, plus affirmé et engagé.

David Lestringant (Rédacteur en chef) : En rejoignant l’aventure Émergence pour le deuxième numéro, j’ai insufflé un regard à la fois neuf et transversal, en œuvrant à accentuer la cohérence du magazine et de ses rubriques. Ce deuxième numéro affirme davantage cette dimension entrepreneuriale et business, tout en restant inspirant et accessible.

Clémence Cahu (Direction artistique, Image, Stylisme et Achat d’art) : En tant que styliste et directrice artistique, mon rôle, dès le premier numéro, a été de transmettre une vision esthétique et de repenser la façon dont l’image pouvait incarner le propos du magazine. Pour ce deuxième opus, l’idée était d’aller plus loin afin de trouver une thématique forte qui structure les séries sur le fond comme sur la forme. Il ne s’agissait pas seulement de sélectionner des produits et un photographe, mais de créer une cohérence entre le récit éditorial et les images.

 

Quelle était l’ambition première en lançant le magazine Émergence ?

Priscilla Jokhoo : L’objectif était de montrer le dynamisme des filières représentées par Francéclat, articulé autour de douze énergies créatives. Nous voulions également valoriser la création au sens large, révéler les dessous des maisons emblématiques et leur donner une voix différente. Souvent, on parle de produits ou de savoir-faire, mais rarement de business, alors que ces filières rayonnent à l’international. Ce deuxième numéro affirme cette posture, tout en photographiant la filière dans son ensemble, des maisons historiques aux marques plus contemporaines. L’idée a été de montrer la diversité des typologies d’entreprises qui composent nos filières.

Clémence Cahu : Le magazine permet de prendre la parole sur des sujets d’actualité comme sur des thématiques qui relèvent du temps long. Dans la rubrique reconduite « Effets personnels », nous avons choisi par exemple de mettre en avant des objets intimes porteurs d’histoire, sélectionnés par des personnalités de ces filières. Délestés de leur fonctionnalité première, ces objets deviennent une passerelle entre création, mémoire et émotion. Ce regard, libre de toute contrainte, nous permet d’exprimer la richesse de ces univers au-delà du produit.

 

Ce deuxième numéro prolonge l’esprit du premier tout en affirmant sa singularité. En quoi représente-t-il une véritable évolution ?

Priscilla Jokhoo : Lors du premier numéro, il était difficile de pointer précisément ce qui devait évoluer. Pour cette deuxième édition, nous avons fusionné certaines rubriques, comme Office Life et Visite guidée, afin de proposer quatre immersions photographiques dans les ateliers. Ces reportages sont complétés par des entretiens avec les dirigeants, abordant autant les enjeux de leurs entreprises, le contexte économique et géopolitique dans sa globalité.

Le premier numéro avait tendance à donner une place prépondérante à la photographie, parfois au détriment du fond. Ici, l’équilibre est retrouvé, ce qui rend la lecture beaucoup plus satisfaisante. Nous avons aussi enrichi le fond éditorial avec des rubriques purement textuelles, comme Success Story, qui présente des trajectoires inspirantes. Il était important de montrer qu’il existe plusieurs chemins de réussite, en dehors des parcours plus traditionnels des grandes maisons.

David Lestringant : Nous avons notamment créé une nouvelle rubrique, Territoire. Le projet consistait à mettre en lumière la relation entre les chefs et les artisans. Ainsi, le chef Matthias Marc ne parle pas de sa cuisine, mais présente une céramiste et une ébéniste. De la même façon, la coutellerie Perceval évoque certaines de ses collaborations prestigieuses avec des chefs étoilés comme Emmanuel Hébrard (L’Ostal, Clermont-Ferrand) ou Julien Royer (Odette, Singapour). C’est un regard rafraîchissant que de raconter l’autre plutôt que soi, et ainsi révéler la force des synergies créatives.

Clémence Cahu : Grâce à des retours précis sur le premier numéro, nous avons pu pousser plus loin l’expérimentation visuelle. Chaque série a été pensée avec des talents complémentaires, mêlant noms reconnus et signatures émergentes. Lors de la première édition, j’avais adopté une approche rassurante, pour que les maisons se sentent en confiance. Pour la deuxième, nous nous sommes autorisés davantage de liberté et de prises de risque comme celui de faire dialoguer les arts de la table et l’univers du maquillage. À première vue, cela peut sembler surprenant. Cet angle s’est finalement imposé comme une porte d’entrée inédite pour magnifier les textures et les matières, véritables signatures de cette filière.

 

Comment avez-vous choisi les talents qui ont collaboré au magazine ?

David Lestringant : L’ambition était de conserver la voix singulière du magazine. Nous avons par exemple confié un billet d’ouverture à Charlotte Dhenaux, qui a choisi le thème de l’intuition entrepreneuriale. Son style, poétique et décalé, ouvre une porte pour entrer dans le sujet autrement qu’avec un ton institutionnel. Pour le reste, nous avons travaillé avec des spécialistes de chaque filière. La sélection des plumes s’est faite de manière collaborative : chacun a proposé des noms, puis nous avons co-construit avec elles les sujets et les angles. Ce ping-pong créatif a nourri le ton propre du magazine.

Priscilla Jokhoo : Une attention particulière a été portée à la rubrique Business, que nous voulions étoffer. La journaliste et autrice Sophie Abriat nous a semblé pertinente. J’apprécie sa manière d’écrire et d’observer les évolutions et mutations de long terme. Dans le comité éditorial, nous avons constaté que des marques longtemps discrètes deviennent à présent plus narratives, prenant la parole autour du design, de l’art et du savoir-faire. Sophie a su prolonger cette réflexion et l’ancrer dans nos filières.

 

Le magazine s’inscrit dans la continuité des valeurs portées par le programme. Quelles sont celles que vous avez souhaité mettre en avant à travers cette publication ?

Priscilla Jokhoo : Emergence a pour objectif clair d’être le programme d’accompagnement conçu pour soutenir le développement des marques créatives de l’horlogerie, de la bijouterie-joaillerie, de la bijouterie de mode et des arts de la table.

La création du magazine l’an dernier était de répondre à un besoin exprimé par les marques d’avoir plus de visibilité, de mettre l’accent sur l’entrepreneuriat et le dynamisme business de nos filières. Il a constitué la première brique sur 2ème pilier d’Emergence que nous avons intitulé « Attractivité et Rayonnement » : des actions dédiées à valoriser les marques créatives & émergentes et à promouvoir la création française sur les scènes nationale et internationale. En tant qu’institution, notre rôle est aussi de connecter, de partager ces énergies et de donner de la visibilité à ceux qui innovent, qu’ils soient jeunes créateurs ou grandes maisons établies. Ce magazine vient répondre à un besoin, en parlant aussi bien aux entrepreneurs, aux dirigeants, qu’à l’ensemble des professionnels de nos filières.

 

Lancement d’Émergence – Le Magazine N°2 « L’INTUITION » du 4 au 6 Novembre 2025 – Programme détaillé et inscriptions à venir